vendredi 29 février 2008

Gorges chaudes

Sans être porté sur la chose, Edmond de St Edmond la trouve un peu raide d'être contraint d'accomplir son devoir conjugal en solo depuis que sa charmante s'est mis en tête de virer sa cuti.

Même s'il reconnaît ne pas disposer de talents hors pair en la matière, ce n'est pas une raison pour le laisser mariner dans son jus.

Sans compter que si la nouvelle venait à s'ébruiter, il ne manquerait pas de mauvaises langues pour sauter sur l'occasion et jeter le trouble parmi ses électeurs.

En tout cas, s'il y a le feu, il n'est certainement pas là où l'on pense, pérore Edmond en soufflant sur les braises au salon.

jeudi 28 février 2008

Entre parenthèses

Il avait quoi: seize, dix-sept ans. C'est loin déjà. La nuit tombait. Il faisait gris. Froid aussi. Peut-être qu'il pleuvait. Il n'est pas certain.

Pour se réchauffer, il est entré dans un bistrot boire un café. La salle était bruyante. Pleine de fumée. En s'approchant du bar, il a reconnu sa silhouette.

C'était pour lui qu'il était venu. Pour le voir. Ecouter sa voix. Entendre ces paroles qu'il avait du mal à comprendre mais qu'il comprenait quand même. A sa manière.

Sur le moment, il aurait voulu l'aborder. Lui parler. Lui dire à quel point il comptait. Ou juste lui serrer la main.

Et puis, l'homme s'est éclipsé et il ne s'est rien passé.

Dédé ne sait pas pourquoi il repense à tout ça maintenant. C'est comme une bulle qui remonterait crever à la surface. Une ride sur le plat de l'eau.

mercredi 27 février 2008

Mâles en point

Tôt ce matin, le Gamin a eu une poussée de fièvre. Des suées. Des frissons. Mal dans les jambes. Les articulations. A la tête. Une envie de vomir. Des tremblements.

Dédé s'est précipité chez Mezzig pour appeler un médecin. Madame s'est déplacée pour réconforter le malade et le ramener à la maison.

Inquiet, Mezzig a demandé si c'était la grippe. Par précaution, il a avalé deux antalgiques, vidé le fond d'une bouteille de sirop, reniflé quelques huiles essentielles et guetté les premiers signes de contagion.

En repartant, le docteur a dit qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter, que c'était viral. Madame a téléphoné pour dire qu'elle n'irait pas travailler.

En signe de solidarité, Mezzig est resté alité et Li Pouiye a veillé le Gamin. Vous parlez d'une nichée!

mardi 26 février 2008

Service minimum

Mezzig s'est réveillé avec une fâcheuse envie de dormir qui ne l'a pas quitté de la journée. Il n'aurait pas demandé mieux que de rester couché et d'écraser comme une souche.

Au lieu de ça, il a voulu faire le brave. Il a attendu le dernier moment pour se coller au lit. Il se voyait déjà s'effondrer et sombrer comme une masse. C'était une erreur.

A force de résister, Mezzig était tellement vanné qu'à la fin, il s'est retrouvé avec une insomnie carabinée. On est vraiment peu de choses quand on réfléchit bien.

lundi 25 février 2008

Tout schuss

C'est fou ce que ça requinque. On a fait le plein d'oxygène. De soleil. De paysages. On a pris de l'altitude et des couleurs. On revient en forme. On se sent au sommet.

Pour La Virago, c'était une première. Pour un peu, elle gardait la combinaison et les skis pour se remettre en piste derrière le comptoir.

Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. Blancs comme neige, les habitués se sont rués dès l'ouverture, curieux d'apprendre jusqu'où ces Dames étaient hâlées.

dimanche 24 février 2008

Vie de Salon




N'importe quel bœuf vous le dirait! marche sur des œufs Mezzig, c'est pas une fois au beau milieu de la ferme qu'il faut songer à l'ouvrir.

samedi 23 février 2008

Derniere minute

Madame au téléphone s'informe si tout va bien. Si Mezzig n'a pas tout fait sauter. S'il a encore de quoi manger. De quoi s'habiller.

Elle s'assure que l'évier n'est pas encombré de vaisselle. La chambre envahie de moutons. La machine à laver pleine à craquer.

Mezzig préfère ne pas relever. Comme s'il avait l'habitude de tout laisser en plan. Pour qui est-ce que Madame le prend!?

Si tout va bien, elle sera de retour pour midi. Surtout, qu'elle en profite un maximum. Elle n'est pas obligée de se précipiter. Que Mezzig ait au moins le temps de se retourner: il a horreur d'être bousculé.

dimanche 17 février 2008

Usuel suspect

Entre chien et loup, éclairé par le halo pisseux d'un réverbère, même démarche, même stature, c'est sa réplique tout craché.

Par acquis de conscience, Mezzig lorgne vers Li Pouiye qui progresse, le cerveau vissé à sa truffe, le museau aux avant-postes.

Sans trop forcer le trait, on dirait Keyzer Söze en personne traînant la patte à leur rencontre. Vu d'ici, c'est à tomber à la renverse.

Encore un qui n'est pas en cheville avec son kiné, sarcasme Mezzig en voyant Kraine
se rapprocher d'un pas béquillant.

jeudi 14 février 2008

Outre mesure

Pour le grand nombre de ceux qui vivent de ce côté de la palissade, ça n'a rien de très original. C'est même d'une banalité sans nom.

On a beau se tenir prêt, tendre le dos, c'est rageant. D'autant plus que dans l'autre camp, ça n'est pas la retenue qui les étouffe.

En résumé, Clotilde en a jusque par dessus des fins de mois qui tombent à peine la paye arrivée. Elle ne serait pas contre souffler un peu. Se permettre un écart à l'occasion.

Ce qui la met encore plus en rogne, c'est de tomber sur ce genre de phrase:

Les dons consentis par une personne physique, blabla, pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats, reblabla, ne peuvent excéder 4600 euros.

Une chance qu'on ait songé à fixer un plafond, respire Clotilde. On ne saurait pas où placer les lustres sinon.

mercredi 13 février 2008

Premières loges

Dès qu'elle aborde le sujet, Geneviève de St Edmond, ne tarit pas d'éloges sur son protégé, la hardiesse de ses vues et la légitimité de sa démarche. Mais, nous y reviendrons.

De sa bouche même, l'homme est un véritable artiste dans son domaine et son nom mérite d'ores et déjà d'être sur toutes les lèvres. A tel point qu'elle entend s'engager au côté du personnage pour assurer le plein succès de son initiative.

A cet instant précis, le club des Gaies Turonnes est en émoi. L'assistance retient sa respiration. On entendrait un moucheron se dérouiller les ailes.

En coulisses, Mose n'en mène pas large. L'avenir de la Touffe est entre ses mains moites. Le moment est venu de montrer qu'il a de l'entregent.

mardi 12 février 2008

Impondérables

Ce fut un tel régal dans les îles qu'ils n'ont pas hésité à prolonger leur séjour au-delà du raisonnable. Pour fêter leur retour, Madame et Mezzig sont invités.

Mezzig l'aurait bien accompagnée seulement, il ne supporte pas les trajets en voiture. Le train lui donne des vapeurs. Et comme un fait exprès, la 2Cylindres à un clou dans le pneu arrière.

Pour ne rien arranger, Kraine est en pleine crise d'élagage. Il sent que ça lui pend au nez lui aussi. Il ne voudrait pas dénoter.

Il attendra que Madame soit partie pour mettre Dédé et le Gamin sur le coup. Mezzig craint pour son dos. Ce serait un comble s'il restait coincé pour si peu.

lundi 11 février 2008

Coupe franche

Entre deux séances de tatouage, deux papouilles, deux lampées de vodka, Kraine rassemble ses abattis, déterre ses outils, se retrousse les manches et déboule tailler tout ce qui bouge dans le jardin.

En deux temps trois mouvements, c'est l'hécatombe. Le lierre qui foisonne. Les rosiers qui prospèrent. Les massifs qui surabondent. Les branchages qui pendouillent. Tout y passe.

A ce propos, Mezzig ferait pas mal d'en faire autant au lieu de se regarder pousser le nombril: ça frise le capharnaüm de son côté. C'est même limite envahissant. Il faudra qu'il lui signale.

Dans l'immédiat, l'urgence c'est de se débarrasser de toute cette verdure à la ramasse. Pas vraiment le temps de végéter. Sinon, c'est de l'abandon de compost.

samedi 9 février 2008

Danse nuptiale

Au premier coup de soleil, c'est la ruée. Bichonnées. Polishées. A peine rescapées de plusieurs mois d'hibernation, les belles machines paradent le long des boulevards. Chromes nickels.

De la tête, du pied, d'un signe de la main, le bras déployé, la jambe tendue, visière relevée, la mine pouponne, le cuir échancré, pistard ou rouleur invétéré, le motard gesticule sans restriction, excité par le manège.

Qui peut prévoir, s'éclate Mezzig, peut-être qu'il s'en trouvera une pour lui faire le coup de la paonne.

vendredi 8 février 2008

Bas les masques

C'est reparti pour le grand cirage de pompes. La tournée de poignées de main. Le lâché de courbettes. L'épandage de pommade.

C'est des sourires à gogo. De la bise à la chaine. La brosse à reluire pour chacun. C'est des mais-comment-donc. Et vous-m'en-direz-tant. Et-je-suis-de-tout-cœur.

En fin de matinée, Edmond de St Edmond et son aréopage ont fait escale à La Glotte pour une séance de lèche-bottes dans les normes.

Samar qui les avait vus venir de loin en a profité pour faire un détour et leur présenter sa smala en costumes de pantins, clowns et guignols.

St Edmond a jugé le tableau réussi et Samar s'est emballé qu'en effet c'était pour le moins ressemblant.

mercredi 6 février 2008

Au bestiaire

Hors de question de mettre les pieds à la maison de retraite. C'est pour les vieux. Ceux qui n'ont personne pour s'occuper d'eux. Ou alors, ceux qui radotent, qui font sous eux, qui bavent et qui n'ont rien que des méchancetés à la bouche.

Si elle va là-bas, elle mourra ou elle deviendra folle.

Mezzig n'ose pas lui dire qu'elle déménage déjà copieux avec ses cochons bleus. Si elle n'avait pas Clotilde pour s'en occuper, où est-ce qu'elle les mettrait?

La P'tit Dame d'en Face ergote qu'ils sont comme des coqs en pâte, qu'elle ne sait pas comment il a réussi à s'introduire et, qu'en plus, il lit comme un pied.

mardi 5 février 2008

Appel d'air

Dans le noir, c'est encore plus impressionnant. Réfugié derrière la penderie, les oreilles sur les yeux, la queue tremblante, Li Pouiye ne sait plus où se fourrer.

Dans les pires moments, c'est comme si quelqu'un tambourinait à la porte. Ou comme si la toiture était sur le point d'inaugurer sa vie de cerf-volant.

Prudent, Mezzig s'est retranché dans son bonnet. Pour une fois, c'est pas du vent: on est au bord du typhon.

Un vrai cas d'éole! d'après ses estimations.

dimanche 3 février 2008

Propriété privée

Idéalement sise au sommet du coteau encore boisé par endroits qui semble contenir les débordements de la rive gauche du fleuve, la demeure d'Edmond de St Edmond offre une vue remarquable sur Trous sur Gloire, ses ponts et sa vallée.

Cossue, jadis entourée d'un parc qu'il avait fallu amputer de moitié suite à quelques revers de fortune passés, la bâtisse appartient aux St Edmond depuis des générations.

Bien que d'apparence austère, toute en pierres de taille, sur deux étages plus les combles, la bâtisse n'en dispose pas moins d'un certain cachet.

Pour rien au monde, St Edmond ne se verrait habiter ailleurs. Surtout pas en ville. C'est tellement important de nos jours d'avoir un coin à soi, loin de l'agitation et loin du bruit.

Tout bien considéré, il n'y a pas que l'argent qui compte: allez donc faire comprendre ça!

vendredi 1 février 2008

L'argent du beurre

Il en est à La Glotte qui boivent du petit lait.

Pas besoin de fourbir les calculatrices: en termes d'écrémage, 43% ça vous place le petit sous la barre du camembert Président.

C'est La Virago qui a du mal à digérer mais, comme tente de la consoler Mezzig, c'est pas tous les jours qu'on gagne à la laiterie!

Série noire

Et de une: les toilettes à l'étage sont obstruées. Comme de bien entendu, il n'y a rien dans les parages pour les déboucher. Et de deux: la tringle à rideaux dans la chambre menace de choir. Un coup de perceuse serait le bienvenu. A condition qu'elle fonctionne encore.

Et de trois: il y a une ampoule à la cave à remplacer. Comme un fait exprès, toutes celles qu'il a mises de côté sont grillées. Et de quatre, le sèche-cheveux a rendu l'âme.

Rien que de songer à tout ce qui l'
attend, Mezzig est sur les rotules. Tout bien réfléchi, il se demande si le plus simple ne serait pas de déménager. On n'est jamais si mal loti que chez soi.