lundi 30 juin 2008

Tour de chauffe

S’il ne se retenait pas, il irait bien vers le Sud. Le Sud du département. Pas plus loin. Sauf que par là, il connaît.


Un rapide tour d’horizon, carte en main. Dans cette direction, même topo. Dans l’autre, idem. Rien que du déjà vu.


Pour bien faire, il faudrait se mettre en selle dès maintenant et tailler la route ce qui s’appelle tailler la route. Après, ce sera trop tard.


D’ailleurs, c’est déjà trop tard. Si tu ne sais pas où tu vas, tu n’y vas pas. Tu ne vas nulle part. C’est simple à comprendre.


De toute façon, Mezzig ne compte plus les longueurs d’avance qu’il a de retard. Autant se cantonner à la case départ et laisser tomber. 




samedi 28 juin 2008

Tour de pales

En plein après-midi, derrière ses volets clos, la P’tite Dame d’en Face se trimballe au naturel. Dernièrement, Clotilde lui a apporté un ventilateur électrique qu’elle trimballe d’une pièce à l’autre et règle au maximum.


Avant d’aller se coucher, elle l’installe au pied du lit et s’allonge à même les draps, vêtue d’une robe de chambre rose pale élimée qu’elle remonte jusqu’à mi-cuisses pour mieux profiter du courant d’air.


La nuit, la P’tite Dame frissonne, renifle, éternue, se réveille en sursaut, se croit en hiver, se lève chercher ses bas, un gros gilet ainsi qu’une épaisse couverture de laine sous laquelle elle se pelotonne en claquant des gencives. 


Quand Clotilde arrive pour la visite du matin, la P’tite Dame a la goutte au nez. Elle lui raconte le mal qu’elle a eu à fermer l’oeil à cause du vent qu’il a fait et du boucan dans la rue.


Sûrement quelqu'un qui aura oublié d'éteindre le moteur de son avion en rentrant chez lui! parie Clotilde.




vendredi 27 juin 2008

Santé publique

Tous les soirs, c’est le grand défilé, le carrousel. La place Porte-Beau draine pêle-mêle touristes, étudiants, noctambules, m’as-tu-vus et consort. Les terrasses des restaurants sont noires de monde. Les cafés, bondés. Le pavé, grouillant.


C’est le quartier chaud, le coeur fébrile de Trous sur Gloire. On y vient seul ou accompagné, souvent en bande, pour se montrer, mater, brailler, palabrer, siroter, se pinter, traficoter, régler ses comptes, s’empoigner ou se rabibocher. 


Perdu dans l’inventaire des verbes du premier groupe, Kraine jouit sans retenue du charme décomplexé de la jeune femme assise en face de lui dont il a lui-même tatoué la peau de pêche d’un joli grain cuivré, rien que ça!


C’est la première fois qu’ils se rencontrent à l’extérieur, au milieu de la foule. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne semblent incommodés. Ils ne prêtent attention à rien, se confondent en bavardages, se boivent littéralement des yeux. 


Pour tous ceux qui seraient tentés, un épisode à consommer sans modération!




mardi 24 juin 2008

Pénurinaires

Quand Madame est à fond, inutile de l’interrompre avec des futilités. Madame a une semaine pour écluser le monceau de prose récolté aux examens. Recluse dans sa retraite studieuse, elle biffe, souligne, annote, marmonne, maugrée, renonce, s’extasie, se pâme, s’esclaffe tout en même temps.


Au diapason, Mezzig cultive l’abstinence, s’en colle des fagots qu’il n’est même pas sûr de fumer plus tard derrière l’oreille. 


Faute de mieux, Mezzig se congratule: le Glob a soufflé sa première bougie dans l’indifférence générale. Pour le chandelier, il faudra s’accrocher aux branches!


Mezzig doute: le coup des camionnettes, c’est quand même une histoire! quel est le tordu récidiviste que ça fait marrer ces couillonnades


Mezzig tachycarde:  les affectés de longue durée recevront bientôt l’assurance d’une protection sociale aux petits soins. Une caisse maladive qu’on aurait pu se retenir de lâcher.




dimanche 22 juin 2008

Dialecte tics

Dans l’art de coincer la bulle, Li Pouiye ne craint pas la contrefaçon. Au premier coup de chaud, il file direct sous les lauriers, s’affale dans son trou et c’est parti pour la journée. 


La nuit, c’est farniente à la belle étoile. Pas moyen de le rapatrier. Sauf cas d’urgence. Un minet en maraude et c’est la corrida, la cavalcade, le ramdam.


Pour éviter l’émeute et ménager les voisins, Mezzig se précipite calmer le fauve et lui montrer la direction d’un doigt rageur.


Au mieux, Li Pouiye obtempère. Au pire, il faut se mettre à quatre pattes et lui aboyer de s’extirper de son repère histoire de lui rappeler un peu qui est le maître. 


D'ailleurs, c'est vrai ça, maintenant qu'on en parle entre nous, qui c'est exactement le maître?


samedi 21 juin 2008

Tambour battant

Pour en avoir le coeur net, Samar se plante au milieu du trottoir, mate un coup à droite, un coup à gauche. Rien pour l’instant. C’est fluide comme on dit. Pas comme aux heures de pointe où c’est à touche touche.


Samar patiente. Jusqu’à ce qu’au loin, de l’autre côté du rond-point, l’engin pointe son nez. Encore un arrêt, le feu. Cette fois, le doute n’est plus permis.   


Le temps de reprendre ses esprits, Samar se précipite dans le fond de sa boutique, empoigne le téléphone, pianote un numéro, compte les sonneries, tombe sur le répondeur, raccroche. 


Dehors, c’est la queue leu leu.  En file indienne, une poignée de camionnettes remonte l’avenue en direction du centre-ville. Sur le flanc des carrosseries, rutile en grosses lettres:


Le Glob vous souhaite

Bonne Fête de la Mezzique!


jeudi 19 juin 2008

Pécarité d'emploi

La P’tite Dame d’en Face se languit: quand est-ce que Mezzig va revenir lui faire la lecture et remettre un peu d’ordre dans les rangs de ses petits cochons bleus? Les saligauds auraient bien besoin d’un bon coup de baguette sur la couenne en ce moment. 


Si c’est pas une honte d’abuser comme ça des faiblesses d’une faible femme dans son état. Des porcs que c’est! Toujours à lui faire des saloperies dans le dos. A se moquer d’elle. A la contrarier.


Si au moins il y avait un homme à la maison. Pas tout le temps, elle ne dit pas. Pas tous les jours: à son âge, elle ne voudrait pas s’encombrer. Une fois déjà, ça suffit. Ou alors il faudrait la payer cher. Et encore!


Avec sa grosse voix Mezzig savait leur clouer le groin à ces bestiaux. Quand est-ce qu’il revient ? et qu’est-ce qu’il a au juste? Les bonhommes, je vous jure: ça t’a toujours un pet de travers. Des vraies chochottes!


lundi 16 juin 2008

Bachot devant!

Comme de bien entendu, elle a eu un peu de mal à trouver, il n’y avait pas de place pour se garer, sa salle était mal indiquée et le café optionnel. 


Passée la première heure de surveillance, le plus dur, c’est de ne pas piquer du nez. Entre deux bâillements mal contenus, Madame s’arrache de son siège, déserte son bureau et part arpenter les allées. 


A la dernière table, au fond, une première victime continue sa nuit la tête entre les mains pendant que les autres candidats se triturent les neurones à grand renfort de barres chocolatées et de brouillon. 


Quelques-uns ont fait le déplacement en claquettes et bermudas, Les décolletés se veulent aussi profonds que l’argumentaire. Les mines transpirent le doute et la réflexion.


Madame retourne s’asseoir, rêvasse au dessus de son roman, jette un oeil par la fenêtre, se revoit quand elle avait leur âge et des réserves de lendemains au maxi. Une copie qu'elle n'a cessé de corriger depuis.



dimanche 15 juin 2008

Défaite des pères

Elle était petite fille quand il a quitté la maison. Un soir, il est venu la voir dans sa chambre pour lui expliquer que le lendemain matin, elle ne le verrait pas en se levant. Elle lui a juste demandé pourquoi il faisait ça. Est-ce que c’était sa faute? Parce qu’elle n’était pas assez gentille? Qu’elle faisait des bêtises?


Pour toute réponse, son père l’a serrée dans ses bras et lui a dit que ça n’avait rien à voir avec elle. Qu’il lui expliquerait une autre fois. Quand elle serait en âge de comprendre.


Le matin suivant, Clotilde s’est précipitée dans la chambre de ses parents. Le lit était à moitié vide, la maison profonde et silencieuse. Disloquée comme une poupée de chiffon à l’abandon sur le carreau.


Plus tard, quand elle lui a posé la question, il a juste répondu que comme homme à la maison, c’était loin d’être un cadeau et Clotilde a pensé que, comme explication, c'était un peu vite emballé.


vendredi 13 juin 2008

Rapporte paquet


Quand on songe qu’il y en a encore pour croire que c’est du boniment, En voilà encore un qui prend la crise de plein fouet. Obligé de rogner sur les petites attentions, la nourriture et la nouba pour carburer son soûl, le petit montre l'exemple.

Comme dirait La Virago pas toujours facile à suivre, il faudrait en avoir dans le réservoir pour ne pas manger de ce pain là.

mercredi 11 juin 2008

Matutinales

Robe et démarche légère, elle remonte la rue, les jambes galbées, la taille souple, le dos cambré, le port droit, presque fier. L’air est encore frais. La lumière limpide. Elle sent le soleil sur son visage, sur ses bras nus, à travers le tissu.


Des passants la suivent du regard. Jettent un oeil au tatouage qui affleure sur son épaule. Des hommes s’attardent sur sa silhouette. D’autres la détaillent furtivement. 


La matinée promet d’être radieuse. Les rues sont calmes, la ville à peine dégourdie. On finit d’installer les terrasses devant les cafés. Les premières boutiques ouvrent leur porte. Devant les grilles du lycée, une grappe d’adolescents gamberge.


Sous les frondaisons de la place, la jeune femme a disparu. Edmond de St Edmond est arrêté au feu vert et se régale des sonorités qui montent des entrailles de son scooter tout neuf.


mardi 10 juin 2008

Fin de série

Il n’est pas du genre à se mêler de ce qui ne le regarde pas mais, puisqu’il tombe sur elle, si elle a cinq minutes, est-ce qu’elle pourrait le renseigner sur ce qui se passe. C’est Samar qui lui a fait la commission pas plus tard qu'hier. 


Kraine ne cache pas qu’il n’a pas fait plus que ça attention, mais il semblerait que Mezzig ne s’est pas montré depuis quelques jours, est-ce qu’il y a une raison?


Madame lui dit que c’est gentil de venir aux nouvelles et le rassure qu’il n’y a rien d’alarmant. C’est juste qu’il a vu son dentiste récemment et qu’il est rentré catastrophé.


Depuis, il traîne en peignoir d’une pièce à l’autre, refuse de faire sa toilette, de se raser, ne se nourrit plus que d’aliments écrasés, réclame une loupe pour bouquiner et répète en boucle qu’il va en prendre pour dix ans dans les gencives.


Pour le dire autrement, Mezzig ne renierait pas la formule, il s'est mis dans le crâne qu'il était bientôt bon à mettre au râtelier!


Paliers de crabes

Est-ce que quelqu’un a des nouvelles? sonde Samar. Ça fait pas loin de quatre jours qu’il n’est pas passé taper le bout de gras. S’il avait décidé d’arrêter, il aurait prévenu. Ou alors, c’est qu’il achète ailleurs. Qu’il fume chez la concurrence.


En même temps, les infidélités, c’est pas tellement son genre. C’est juste une impression: tout le monde peut se tromper. Les clients, un jour c’est cul et chemise. Le lendemain, c’est à peine si ça te dit bonjour. Pas toujours facile à encaisser.


Avec ça, personne n’est tellement regardant: ce qui se passe chez le voisin, c’est ce qui se passe chez le voisin. Et s’il ne se passe rien, c’est qu’il ne se passe rien. La preuve, il n’y en a pas un seul qui se souvienne avoir croisé Mezzig dans la rue, ni depuis quand.


Le quartier a beau être tout petit, Samar se lamente qu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Finalement, rien de mieux que les étrangers pour se sentir chez soi.


jeudi 5 juin 2008

Intermède


Mezzig n'a de conseil à donner à personne mais fesses bien attention quand même. Sinon, il pourrait t'en cuir!

lundi 2 juin 2008

Redevance

Il s’en est fallu de peu qu’il ne rate la date. Il a remué ciel et terre pour mettre la main sur les papiers nécessaires, remplir le formulaire et se précipiter aux contributions.


A la fin de la journée, pour arroser l’événement, Madame lui a demandé s’il voulait boire un pot et Mezzig s’est demandé trente secondes qu'il s'agissait ou non d'une déclaration.



dimanche 1 juin 2008

A bonne école

Les premiers voudraient voir un film. Jouer aux cartes. Faire un pendu. Discuter. Savoir pourquoi elle a choisi ce métier, si c’est bien payé, les études qu’elle a suivi, si elle en a pas marre des fois, si vraiment ils sont si mauvais, ce qui les attend, qui elle est.


Entre trop en dire et pas assez, Madame est partagée. Dans un sens, ils ont raison: pourquoi pas demander. On passe des mois à se faire face, à se jauger, à se heurter, à échanger, à s’entendre et à s’écouter, et c’est à peine si on se connait.


Les seconds sont au café du coin, travaillent leur baby, bichonnent leur portable, se font des plans, soignent leur dégaine, se titillent, se charient, se baisotent, s’interpellent, se chamaîllent, bourdonnent fort.


Les Horripilants, c’est comme ça que Mezzig les surnomme et Madame de lui rappeler que, dans le genre mouche du cochecasse burnes ou poil à gratter, c’est lui qui pourrait leur donner des leçons.